« Destination Orion » Olivier Berné


Décollage imminent direction la nébuleuse d’Orion

Olivier Berné est directeur de recherches au CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) et astrophysicien à l’Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie (IRAP) à Toulouse1. Ses travaux concernent la spectroscopie infrarouge des régions de formation stellaire et planétaire2. A l’annonce du projet du télescope spatial James Webb, il décide de rejoindre le programme, en 2015, afin de proposer une observation de la nébuleuse d’Orion. Cette dernière fera partie de la petite dizaine de projets d’observations « Early Release Science » acceptés par la NASA (National Aeronautics and Space Administration), porteuse du projet.

A la suite des observations de la nébuleuse, Olivier Berné débuta un nouveau projet : celui de vulgariser la recherche spatiale et son observation au grand public par la rédaction d’un ouvrage, Destination Orion.

Destination Orion

Destination Orion est le premier ouvrage d’Olivier Berné. Constitué de 200 pages, il est paru en 2023, chez Dunod. Sont inclus dans cet ouvrage une dizaine de clichés, à couper le souffle, pris par le télescope James Webb, qui permet de mieux comprendre ce dont parle l’auteur. Construit tel un journal de bord, il permet de suivre au jour le jour les avancées du projet James Webb et de l’observation de la nébuleuse d’Orion.

Orion

Olivier Berné, nous propose alors un beau voyage au cœur de la démarche scientifique et surtout à la découverte de notre univers et plus particulièrement d’Orion. Nommé NGC 1976, mais aussi M42, pour le 42e objet du catalogue Messier (du nom de la personne qui a créé ce catalogue regroupant différents objets du ciel : Charles Messier), Orion est une nébuleuse, découverte en 1610, présente dans la galaxie de la Voie Lactée, dans laquelle se trouve aussi notre système solaire et notre planète Terre. Sous un ciel dégagé, elle est visible la nuit, en hiver plus particulièrement, dans la constellation d’Orion, malgré sa distance de 1 350 années-lumière de la Terre. C’est dire si elle est lumineuse cette nébuleuse !

En levant les yeux au ciel, en hiver, vous pouvez aisément repérer cette forme qui n’est autre que la constellation d’Orion. La nébuleuse est l’objet pointé sur la photo.

Credit : eclairemoilectures.fr

Voici l’une des images de la « barre d’Orion » produite par le télescope James Webb, ainsi que par l’équipe d’Olivier Berné. Cette image a permis de mettre au jour la formation d’un disque proto-planétaire ainsi que la présence de certaines molécules.

Credit : ESA/Webb, NASA, CSA, M. Zamani (ESA/Webb), PDRs4ALL ERS Team

Une nébuleuse se forme de différentes manière : cela peut être lors de l’effondrement d’une masse de gaz dans l’espace, lors de l’explosion d’une étoile massive3, expulsant ainsi gaz et poussières ou lors de la fin de vie plus progressive d’une étoile qui a une masse proche de celle du Soleil. Ces structures sont très étudiées par les astrophysiciens, car ce sont des endroits où de nombreuses étoiles jeunes se forment et où l’on peut observer des disques proto-planétaires, c’est-à-dire le début de la création d’un nouveau système solaire. Observer ses formations permet aux scientifiques de mieux comprendre comment notre propre système solaire a pu se former il y a 4,6 milliards d’années. Il s’agit de la raison pour laquelle Olivier et son équipe ont déposé une demande d’observation de la nébuleuse avec le télescope spatial James Webb, aussi nommé JWST pour James Webb Space Telescope.

Miroir principal du télescope James Webb avant lancement. Cette image nous permet de prendre conscience de la taille du télescope. Il manque, cependant toute la structure qui soutient le miroir en dessous.
Compte tenu de sa hauteur et de sa largeur, le télescope a dû être plié sur lui-même afin de prendre place dans l’Ariane 5 qui l’a mené au point L2 où il a pu se déplier avec succès.

Credit : NASA/Chris Gunn

James Webb Space Telescope

James Webb, du nom d’un administrateur de la NASA4, est un projet qui traîne sur les bureaux de l’organisation spatiale américaine depuis quelques temps déjà, avant même le lancement du télescope Hubble en 1990. Les résultats des deux télescopes sont souvent comparés, cependant Hubble et Webb n’observent pas la même chose. La particularité de JWST, la raison pour laquelle il a été fabriqué, est qu’il observe dans les infrarouges. Il est donc parfait pour étudier la formation de nouvelles étoiles, de disques protoplanétaires, mais aussi des galaxies très lointaines, etc. Après des années de développement, des retards de lancement, le télescope prend finalement place, en Guyane, dans une Ariane 5, le 25 décembre 2021. Après avoir parcouru 1,5 million de kilomètres, en un mois, JWST a pris place sur le point de Lagrange 2, dit L2. Cela veut dire que le télescope se trouve derrière la Terre, sur un point stable de gravité où les forces s’annulent entre la Terre et le Soleil. Pour faire plus simple, il est donc en orbite autour du Soleil, pour une mission de 5 ans. Cependant, on peut espérer sa durée de vie plus longue, puisque le décollage s’étant bien passé, le télescope a pu économiser ses réserves d’ergols (son carburant). A la fin de sa mission, le télescope quittera progressivement le point L2 et divaguera ensuite dans l’immensité de l’espace.

Avec ces quelques précisions, vous voilà maintenant armés pour comprendre de quoi l’ouvrage traite !

Résumé

L’ouvrage débute par une petite introduction à l’astronomie, qui rappellera à certains, certaines quelques cours de physique-chimie de collège-lycée. Cela permet, en plus du glossaire et des images présentées, de bien cerner le sujet du livre. L’on comprend, alors, la raison pour laquelle il était important de construire un télescope spatial tel que James Webb afin d’observer dans les infrarouges. L’intérêt d’un tel télescope ? Voir encore plus loin dans l’univers, mieux comprendre la composition de certaines structures présentes dans l’espace, etc.

Dans ce journal de bord, d’Olivier Berné, l’on découvre presque jour par jour, étape par étape, le fonctionnement de la démarche scientifique. On suit l’histoire d’un programme d’observation d’Orion, qui a candidaté pour faire partie des 10 projets d’observation ERS « Early Release Science » et qui a été retenu parmi 100 autres projets. L’auteur partage les émotions qui le parcourent, mais aussi celles qui parcourent la communauté scientifique au fur et à mesure de l’avancée du projet : quand aura-t-on une bonne fenêtre de tir pour le lancement du télescope, va-t-il atteindre L2 sans difficultés, va-t-il pouvoir se déplier dans l’espace (car aucune mission humaine n’est possible pour venir le réparer), les différents capteurs vont-ils fonctionner, va-t-il nous envoyer les images souhaitées, etc. ? La recherche en science n’est jamais vraiment de tout repos, mais, heureusement, pour notre équipe française, tout s’est bien passé !
Olivier Berné nous donne alors quelques informations sur l’observation de son équipe, leur recherche et enfin leur découverte publiée dans Nature.

Néanmoins, l’auteur ne se contente pas de nous raconter l’histoire du projet d’observation d’Orion, grâce à un télescope mondialement connu. Cet ouvrage est également un bon outil d’explication au grand public de ce qu’est réellement le monde scientifique : comment ça fonctionne, quels sont les enjeux, etc. Il y critique ouvertement certains biais scientifiques : les hommes sont, encore, plus récompensés que les femmes, la politique est très présente, car c’est elle qui oriente les axes de recherches, etc. Et y déplore également la présence d’un trop grand nombre de fake-news sur les réseaux sociaux qui nous communiquent une image distordue de notre monde, de notre univers.

 » En astronomie, nous ne voyons pas les objets tels qu’ils sont, mais tels qu’ils étaient dans le passé. « 5

« La première lumière que nous pouvons détecter est celle émise environ 300 000 ans après le Big Bang, au moment de ce qu’on appelle le « découplage », c’est-à-dire l’instant où l’Univers est devenu suffisamment froid pour que la lumière et la matière se séparent.« 6

Pour aller plus loin, une importante bibliographie est à la fin de l’ouvrage. La plupart des études citées sont néanmoins en anglais.

Mon avis sur ce livre ?

Oliver Berné, qui a un certain talent d’écriture et de vulgarisation, nous emmène, dans ce livre, dans un voyage à bord du télescope James Webb, direction Orion. James Webb, on en tous entendu parlé, on a tous vu ses images à couper le souffle. Certaines sont d’ailleurs dans le livre, ce qui est un vrai plus pour comprendre de quoi l’on parle. Mais comment fonctionne le télescope, que veulent nous dire vraiment ces images, que représentent-elles ? L’auteur nous propose de répondre à ces questions dans un récit court et surtout facile à comprendre.

C’est aussi un voyage au cœur de la communauté scientifique : comment soumet-on une idée, à qui, avec qui travaille-t-on, comment on émet une hypothèse, une théorie, et quand on trouve quelque chose qui semble tenir la route, comment publie-t-on notre découverte ? Avec ce côté journal de bord, qui détaille jour après jour les différentes étapes du projet Orion, toute personne connaissant peu le monde scientifique arrive à se faire une idée d’une véritable démarche scientifique. Il est également un bon outil contre les fake-news que l’on rencontre notamment sur les réseaux sociaux.

M’intéressant de plus en plus à l’astronomie, j’ai été époustouflé par ce voyage vertigineux, par ces découvertes et surtout par les conclusions que les scientifiques en ont tiré. Plus que la connaissance de l’Univers, c’est la connaissance de notre propre système solaire que nous permet d’établir James Webb, ce télescope si proche à l’échelle galactique et en même temps si loin de nous.
En espérant que ce dernier ait encore beaucoup de choses à nous dévoiler !

Affaire à suivre…


  1. DUNOD, DUNOD [en ligne]. [consulté le 09/10/2023]. Livres de Olivier Berné. Adresse de la page : Livres de Olivier Berné : bibliographie – Dunod  ↩︎
  2. BERNE, Olivier, Irap [en ligne]. [consulté le 09/10/2023. Olivier Berné. Adresse de la page : Olivier Berné – Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie (omp.eu) ↩︎
  3. Une étoile massive a une masse supérieure à huit fois celle du Soileil ! Elle a la particularité de terminer sa vie en supernova. ↩︎
  4. James Edwin Webb était le deuxième administrateur de la Nasa, qui a officié de 1961 à 1968. ↩︎
  5. BERNE, Olivier, Destination Orion. Dunod, 2023. 200p. ↩︎
  6. BERNE, Olivier, Destination Orion. Dunod, 2023. 200p. ↩︎

Pour aller plus loin :



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